Portée entre deux lieux...
Entre la maison à la porte rouge et ce grand salon au carrelage triste.
Les yeux bâtant, hypnotisés, se laissent clore par une main libératrice.
S'ouvrant parfois sur les ténèbres, la main se porte à mon regard et son parfum enivre mes sens. Mes yeux se ferment.
Alors la porte rouge se dessine.
Il fait chaud.
Je ne le sens pas mais je le sais.
Je sais aussi que si je tourne la tête je verrais mon chat, bien vivant.
Mes bras se noueraient autour de son cou,
J'aurais peur que la pression ne la brise.
Qu'il éclate en morceaux,
Et que la réalité revienne en boomerang.
Alors je me contente d'une main tremblante de lui caresser le haut du crâne,
Comme si j'effleurerais du cristal, juste entre ses deux oreilles de chauve-souris.
Et tandis que d'une lampée,
Elle me décroche un baiser félin,
La lumière brûlante du soleil s'empare de ma peau et m'arrache du songe.
J'ouvre les yeux.
Les entrouvre.
Nuit noire.
Mon coeur se serre, plus rapide que mes sens.
Je ne veux pas partir.
C'est si doux de voir sans un regard...
Alors la main revient.
Elle referme mes yeux.
Les deux en même temps.
Et me revoilà partie.
Je traverse un long couloir mais au lieu d'aller au bout,
Je prends le chemin à droite.
Je débouche sur un grand champs de nuages roses,
Noyant dans son coton de barbapapa une forêt comme celle sur les cartes postales canadiennes.
Je suis des gens.
Des gens que je connais, d'autre non.
Je les suis.
Le monde n'est plus que désolation.
Je sais que les villes ont été rasées.
La folie d'un homme, voire deux.
Le rêve s'immisce dans mon inconscient, tout est acquis.
Si je traverse la grotte, je reverrais... Qui d'ailleurs ?
Aucune idée.
Grotte : une rivière s'écoule dans la bouche de la caverne.
On dirait une gueule d'Orc.
Est-ce la caverne de Mandos ?
Je secoue la tête.
Trop lu Le Silmarillion.
Une dernière rechute ?
Pas envie de me lever.
Pourquoi pas...
Pourquoi pas retourner dans la grotte, tiens ?
Presque arrivée.
Où ?
Un pas et la bouche s'éclaire d'un millier de plumes bleues flottantes et tapissant de dents soyeuses le sol rocailleux.
Qu'y a-t-il au bout ?
Une main dépliée, déroulée, prête à toucher le bout de cette histoire.
BIP. BIP. BIP. BIP.
Respiration retenue.
Yeux ouverts.
Coeur et chamade.
La corps lancine.
Et la tête brûle.
L'oreille flambe.
Les yeux explosent.
Le poing s'abat et on repart.
On finit dans les limbes.
De quoi rêver encore ?
D'un lit ?
Comment le lit ?
Moelleux .. ?
Une bonne couette remontée jusqu'aux oreilles.
Deux coussins et hop !
Crâne calé entre les deux seins duveteux.
Le froid de la couette jure avec la chaleur du linceul.
Et on replonge.
Le long couloir de la Petite Mort réapparaît, avec la porte rouge, avec les souvenirs, avec le bon.
Le bon, c'est ce qui t'aide à t'échapper.
Le bon c'est le moment où tu lâches,
Où la pensée est automatique.
Où tu oublies que tu vis.
Que l'angoisse s'égare.
Morphée est une drogue.
C'est un plongeon toutes les nuits,
Un rail d'oubli.
Chaque éveil est une peur qui te prend les tripes,
Et l'unique désir c'est de parvenir à se rendormir.
A faire taire toutes les pensées poubelles,
Les idées éclairées ou dégueulasses,
De les faire taire.
De les étrangler à mort pour mieux retourner dans l'oubli.